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Mercosur, l’accord qui « trahit les agriculteurs »

Les réactions d'opposition à l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur se multiplient en France.

Les réactions d’opposition à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur fusent, alors que la Commission européenne vient d’annoncer sa signature. (Article mis en ligne le 06/12/2024 à 14h46, mis à jour le 9 décembre à 11h47).

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L’opposition de la France, la Pologne et l’Italie n’ont rien changé à la ligne de conduite de la Commission européenne. Sa présidente, Ursula von der Leyen, a finalisé l’accord de libre-échange à Montevideo en Uruguay, ce vendredi 6 décembre 2024. « Cette validation est […] une provocation pour les agriculteurs européens qui appliquent les standards de production les plus élevés au monde », ont immédiatement réagi la FNSEA et JA (Jeunes Agriculteurs).

Un « déni de démocratie »

Les deux syndicats majoritaires considèrent cette signature comme « un déni de démocratie alors que la quasi-unanimité de nos parlementaires français se sont exprimés contre […] ! Mme von der Leyen a certainement davantage en tête les intérêts particuliers de l’industrie automobile allemande, que les enjeux de souveraineté alimentaire européenne ou de lutte contre le changement climatique ! »

La FNSEA et JA ne désarment pas. « Nous engagerons tous les moyens au niveau européen pour que cet accord ne soit pas ratifié, ni par le Conseil, ni par le Parlement européen, ni par les parlements nationaux, avertissent-ils. Il est inacceptable que l’agriculture européenne soit sacrifiée au profit de produits importés, issus de pratiques interdites chez nous et moins respectueuses de l’environnement, de la santé, du climat et des droits sociaux. »

Un nouvel appel à Emmanuel Macron

La Fédération nationale bovine, association spécialisée de la FNSEA, enfonce le clou en dénonçant le « passage en force, contre les éleveurs, contre les consommateurs, contre les citoyens, ignorant les prises de position françaises unanimes […] ! Jamais les éleveurs, ni les consommateurs européens, ne se résoudront à laisser leur production être remplacée par des importations de viandes produites dans des conditions illégales en Europe. »

Patrick Bénézit, son président, appelle le chef de l’État Emmanuel Macron à réaffirmer « sans plus attendre, […] son opposition à cet accord en exerçant son droit de véto, et en le notifiant immédiatement à Bruxelles ! Cette opposition doit être celle du président de la République, fort de l’unanimité des parlementaires français qui ont voté avec détermination, et de celle des éleveurs français, pour la protection de l’agriculture et des consommateurs français et européens. »

Pour la CGB aussi, le syndicat des betteraviers français, cet accord avec le Mercosur est « inacceptable ». Les concessions douanières prévues sur les importations de sucre et d’éthanol « représentent au moins 50 000 hectares de betteraves, estime l’association spécialisée de la FNSEA dans un communiqué diffusé le 6 décembre. Soit un huitième des surfaces cultivées en France. » Et ce sans qu’« aucune mesure miroir ne figure dans cet accord ».

Le syndicat qualifie l’accord de « cadeau à de grands groupes industriels : ce sont eux qui cultivent, en direct, les deux tiers de la canne à sucre ». Pour Franck Sander, le résident de la CGB cité dans le communiqué, « bien que la CGB soutienne pleinement le projet européen, elle n’a d’autre choix que de demander aux États membres et aux députés européens de désavouer la présidente de la Commission européenne pour rejeter cet accord ».

Après le vote de la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier, le Modef a rappelé son opposition à cet accord commercial. Dans un communiqué de presse daté su 9 décembre 2024, le syndicat demande de « stopper les accords de libre-échange (Mercosur, Ceta, Tafta…) et sortir l’Agriculture de l’OMC ».

Sur l’antenne de CNews, Amélie Rébière, vice-présidente de la Coordination rurale, a expliqué que ce « n’est pas vraiment une surprise. On savait très bien que ce Mercosur allait être signé au même titre que les traités de libre-échange de début d’année. On nous tapait dans le dos à Bruxelles en nous disant tout le soutien qu’ils avaient pour la profession agricole, et en même temps ils ratifiaient le traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. On n’a plus aucune confiance dans la parole politique. »

Ce « n’est pas une signature de l’accord »

Du côté du gouvernement français, Sophie Primas, la ministre démissionnaire déléguée au Commerce extérieur, a réagi sur son compte X. Elle a souligné que la finalisation des négociations « n’est pas une signature de l’accord […]. Celle-ci n’engage pas les États membres », assurant que « la France se battra à chaque étape aux côtés des États membres qui partagent sa vision ».

« Un jour tragique pour le monde agricole »

Pour le collectif national Stop Mercosur, ce vendredi est « un jour tragique pour le monde agricole, l’alimentation, les emplois et la planète ». Ces organisations de la société civile, dont la Confédération paysanne, reprochent à Emmanuel Macron de ne rien avoir « entrepris à Bruxelles depuis quatre ans pour empêcher ces négociations d’être conclues. Cet accord « viande contre voitures », négocié […] portes closes et sans tenir compte du rejet grandissant qu’il génère, […] ne doit pas voir le jour. »

Le collectif estime que « ce projet d’accord peut encore être bloqué ». C’est « un coup de poignard pour les agricultrices et agriculteurs français, européens et d’Amérique du Sud en tirant les prix vers le bas, enchérit Laurence Marandola, la porte-parole de la Confédération paysanne. Comme notre mobilisation à la Bourse européenne du commerce le pointait du doigt hier au Grand Palais à Paris, ce sont les multinationales de la finance et l’agrobusiness qui profitent de la dérégulation des marchés. »

« Un affront grave à la souveraineté » des États membres

Les interprofessions de la viande bovine (Interbev), de la volaille (Anvol), de la betterave et du sucre (AIBS) et de l’éthanol (Intercéréales) n’ont pas non plus tardé à réagir. Dans un communiqué de presse, elles considèrent l’annonce de la « conclusion de l’accord » par la Commission européenne comme « un affront grave à la souveraineté nationale de la France, la Pologne, l’Autriche, l’Irlande, les Pays-Bas et l’Italie qui ont clairement exprimé leur opposition ».

Ces interprofessions considèrent que « le vote au Conseil de l’Union européenne ne donnera […] pas lieu à une unanimité des États membres. Reste à savoir si Ursula von der Leyen est prête à aller jusqu’à une application temporaire de l’accord dans l’attente de sa ratification, ce qui serait catastrophique pour les filières agricoles françaises — viande bovine, volailles, céréales et sucre. »

Les quatre filières réfutent les termes d'« accord gagnant pour l’Europe » et d'« opportunité économique » de la présidente de la Commission européenne, et soulignent l’absence de clause miroir dans l’accord. Ursula von der Leyen « néglige la réalité des pratiques des pays du Mercosur, qui ne respectent pas les standards européens, comme l’a récemment démontré le rapport de la DG Santé, accusent-elles. Les contingents d’importation […] ouvrent la porte à une concurrence déloyale insoutenable. »

Un « accord obsolète et problématique »

Le Copa-Cogeca a lui aussi immédiatement réagi, annonçant l’organisation d’une action flash à Bruxelles ce lundi 9 décembre 2024. « Depuis des années, nous avons exprimé notre ferme opposition à cet accord obsolète et problématique, rappelle l’organisation dans son communiqué de presse diffusé ce 6 décembre. Si nous reconnaissons la nécessité pour l’Union européenne d’approfondir ses relations commerciales […], cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix. »

Les secteurs bovins, avicoles, du sucre, de l’éthanol et du riz sont désignés comme les victimes « aux concessions faites dans le volet agricole déséquilibré de cet accord ». Le Copa-Cogeca rappelle que « les pays du Mercosur ne satisfont pas les normes de production [de] l’agriculture européenne, […] en matière de produits phytosanitaires, de bien-être animal, […] de pratiques durables, de travail et de sécurité ». Ce qui rend « impossible toute concurrence loyale pour les producteurs de l’Union européenne ».

Une « bombe à retardement pour le climat, la biodiversité » et l’agriculture européenne

Pour Greenpeace France, « cet accord est une véritable bombe à retardement pour le climat, la biodiversité, les agricultrices et agriculteurs européens et sud-américains et les droits humains ». Il « n’est pas compatible avec des objectifs de lutte contre le changement climatique et la déforestation, s’indigne Eric Moranval, chargé de campagne Forêts pour l’ONG. De plus, il fait planer de sérieuses menaces sur l’agriculture européenne. »

« Il est scandaleux de la sacrifier ainsi, sous prétexte d’un texte saupoudré de mesures environnementales, poursuit-il. Ce traité vise à favoriser in fine le commerce de produits fortement émetteurs de gaz à effet de serre, de pesticides interdits dans l’Union européenne ou encore de produits issus de la déforestation. Comment peut-on envisager un seul instant que faciliter ce type d’échanges sera sans effet sur le dérèglement climatique et la planète ? »

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